L’épineux cours d’éthique et de culture religieuse (ECR) sera au menu de la rencontre plénière de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) qui se tiendra du 21 au 24 septembre à la Maison de la Madone, au Cap-de-la-Madeleine à Trois-Rivières.
Il s’agit de l’une des deux rencontres plénières annuelles de l’épiscopat québécois. Cette rencontre automnale est habituellement le moment où les différents comités de l’AECQ remettent leurs rapports.
Mais cette année, c’est avant tout le cours d’éthique et de culture religieuse qui pourrait retenir l’attention. Rien n’est encore déterminé, mais selon le service des communications de l’AECQ, tout porte à croire que les évêques en parleront lors de la conférence de presse prévue le 23 septembre.
L’envers de la médaille
Échaudés il y a un an par le dur traitement réservé dans les médias au cardinal Jean-Claude Turcotte suite à la décision de remettre sa médaille de l’Ordre du Canada pour contester l’attribution de cet honneur du docteur Henry Morgentaler, les évêques du Québec réalisent sans doute le sort qui les attend s’ils s’aventurent trop loin sur le cours ECR lors de leur conférence de presse cet automne.
Rappelons que la position des évêques québécois laisse sceptiques plusieurs parents qui s’opposent désormais de longue date à l’obligation de suivre ce cours. Et après le revers juridique des parents au procès de Drummondville au début du mois de septembre, la tension a remontée d’un cran.
Une position délicate
L’AECQ n’a jamais condamné le cours ECR. En mars 2008, elle promettait, non pas d’adopter, mais de « maintenir » une attitude « critique et vigilante » dans ce dossier. Essentiellement, l’épiscopat québécois voulait accorder au gouvernement le temps de prouver les bienfaits de ce programme.
En avril 2009, en réponse aux Chevaliers de Colomb du Québec qui venaient de prendre position contre le caractère obligatoire du cours ECR, Mgr Martin Veillette, président de l’AECQ, leur répondait dans une lettre (28 avril 2009) que « les objectifs du cours d’Éthique et de culture religieuse méritent d’être considérés à leur juste valeur. En eux-mêmes ils ne justifient pas, à nos yeux, qu’on demande l’exemption du cours pour des enfants ».
Mais contrairement à la question de l’avortement avec le docteur Henry Morgentaler, la plus grande opposition pourrait venir des catholiques eux-mêmes. Plusieurs catholiques québécois jugent en effet que l’AECQ manque de leadership, voire qu’elle peine à mettre en application la volonté de Rome en ce qui concerne l’éducation religieuse à l’école. En revanche, d’autres approuvent cette décision épiscopale car selon eux l’enjeu réel réside beaucoup plus dans la capacité de l’Église du Québec à organiser efficacement ses réseaux de formation catéchétique pour les croyants de tous les âges.
L’enjeu
La position est délicate pour les évêques. Pour l’instant, le temps joue en leur faveur. S’ils réussissent effectivement à consolider au fil des années à venir des parcours de formation catéchétique plus efficaces et à resserrer les liens entre les communautés de croyants, ils auront réussi à tirer profit des changements provoqués par l’arrivée du nouveau cours d’éthique et de culture religieuse. Mais s’ils échouent et, pis, si les craintes des parents opposés au cours ECR en viennent à être partagées par une écrasante majorité de catholiques dans la province, l’échec prendrait des décennies à corriger, un luxe que l’Église n’a visiblement pas en ce moment.
Il sera donc intéressant d’observer quelle importance prendra le cours ECR la semaine prochaine parmi les autres sujets qui seront également abordés, dont la catéchèse. La question du vocabulaire employé risque d’être intéressante à analyser pour déterminer si la position de l’AECQ évolue ou non au sujet du cours ECR.
On voit mal comment nos évêques pourraient passer d'une attitude critique et vigilante à l'attitude combattive si nécessaire dans l'état actuel des choses.
Il y a encore chez nous un catholicisme de masse à sauver par un leadership fort; un virage à 180° s'impose. On ne le voit pas poindre.
Éthique et culture religieuse – Un cours à conserver !
Ma réplique se résumera à trois citations : celle de Gandhi, celle de Jean-Jacques Rousseau et celle d’Alexis de Tocqueville :
Gandhi affirme : « Les religions représentent des routes différentes qui convergent au même point. Peu importe si nos chemins ne sont pas les mêmes, pourvu que nous atteignions le même but. À vrai dire, il y a autant de religions que d’individus. Si un homme parvient au cœur de sa propre religion, il se trouve, de ce fait, au cœur même des autres religions (…) Après une étude et une expérience approfondies sur cette question, j’en suis venu à la conclusion que 1) toutes les religions sont vraies; 2) aucune n’est tout à fait exempte d’erreurs; 3) toutes les autres me sont presque aussi chères que la mienne, dans la mesure où notre prochain devrait nous êtres aussi cher que nos proches parents. J’ai autant de vénération pour la foi des autres que pour la mienne… Dieu a créé différentes religions, tout comme il a créé leurs adeptes. Comment donc pourrais-je concevoir que la foi de mon voisin soit inférieure, et souhaiter qu’il se convertisse à ma religion ? Si je suis vraiment un ami loyal, je ne peux que prier pour lui souhaiter de vivre en parfait accord avec sa propre foi. Il y a plusieurs demeures dans le royaume de Dieu et elles sont toutes aussi saintes. QUE PERSONNE NE REDOUTE DE VOIR S’AFFAIBLIR SA PROPRE FOI EN SE LIVRANT À UNE ÉTUDE RESPECTUEUSE DES AUTRES RELIGIONS. La philosophie hindoue voit des fragments de vérité dans toutes les religions et nous enjoint d’avoir du respect pour chacune (…) La tolérance est aussi éloignée du fanatisme que le Pôle Nord du Pôle Sud. Une connaissance approfondie des religions permet d’abattre les barrières qui les séparent » (Gandhi, Tous les hommes sont frères : vie et pensées du Mahatma Gandhi d’après ses œuvres, Éditions Gallimard, Commission Française pour l’UNESCO, 1969).
Et Jean-Jacques Rousseau d’ajouter : « Émile qu’il ne pût apprendre de lui-même par tout pays, dans quelle religion l’élèverons-nous ? À quelle secte agrégerons-nous l’homme de la nature ? La réponse est fort simple, ce me semble ; nous ne l’agrégerons ni à celle-ci ni à celle-là, MAIS NOUS LE METTRONS EN ÉTAT DE CHOISIR CELLE OÙ LE MEILLEUR USAGE DE SA RAISON DOIT LE CONDUIRE » (Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation, Garnier-Flammarion, Paris, 1966).
Alexis de Tocqueville affirme : « La liberté voit dans la religion la compagne de ses luttes et de ses triomphes, le berceau de son enfance, la source divine de ses droits. Elle considère la religion comme la sauvegarde des mœurs ; les mœurs comme la garantie des lois et le gage de sa propre durée » « On ne peut donc pas dire qu’aux Etats-Unis la religion exerce une influence sur les lois ni sur le détail des opinions publiques, mais elle dirige les mœurs, et c’est en réglant la famille qu’elle travaille à régler l’État » « C’EST LE DESPOTISME QUI PEUT SE PASSER DE LA FOI, MAIS NON LA LIBERTÉ. La religion est beaucoup plus nécessaire dans la république qu’ils préconisent, que dans la monarchie qu’ils attaquent, et dans les républiques démocratiques que dans toutes les autres » (Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Tome I, Flammarion, Paris, 1981).
Eric Folot